Khadija

 Tu peux y arriver, InshAllah! » Je me suis répété cette affirmation chaque fois que j’ai voulu atteindre un but. Si je travaillais fort, et si j’étais optimiste, tout s’arrangerait. J’ai toujours essayé de m’intégrer avec force, parce que je ne me suis jamais sentie à ma place. Être victime d’intimidation, de harcèlement et de moquerie parce que je suis musulmane était déjà assez difficile, et je pensais qu’il suffirait que je sois patiente et que je poursuive. (Lire la suite)

La majorité des personnes musulmanes ont été victimes d’intimidation à l’école, et il est regrettable que le racisme soit si répandu dans le milieu universitaire. J’étais la seule personne de minorité visible dans la plupart des classes de mon école primaire, et après le 11 septembre, les brimades ont empiré. On me traitait de « porc » pour des raisons évidentes, et on se moquait de moi parce que je portais des manches longues et des pantalons en été. 

À l’école secondaire, j’ai voulu apprendre l’ingénierie, et j’ai été la seule fille dans ma classe durant les deux dernières années. Un garçon de ma classe s’est énervé parce que j’avais obtenu la meilleure note à un examen difficile. J’avais étudié pendant des jours et des jours, mais il est venu à mon bureau pour me crier des blasphèmes, et devant toute la classe il m’a accusée d’avoir des relations illicites avec notre professeur. Pourquoi? Apparemment, il n’y a pas d’autres moyens pour une fille d’avoir une meilleure note qu’un garçon dans un cours de technologie, à moins qu’elle ne flirte avec le professeur. Parfois, je travaillais à mes projets de technologie dans d’autres classes, et un professeur m’a demandé un jour si je fabriquais une bombe. J’ai fait taire mes sentiments, et je suis passée à la suite.

À l’université, j’en ai appris davantage sur l’Islam et j’ai commencé à porter le hijab. Je travaillais à temps partiel sur le campus et j’ai remarqué que les gens hésitaient davantage en ma présence. Je suis d’un naturel amical, mais j’ai dû redoubler d’amabilité pour créer des liens et inspirer confiance à mes collègues et camarades de classe. Une fois, au travail, une cliente a refusé à plusieurs reprises d’aller à mon bureau pour avoir de l’aide. Elle a préféré attendre qu’un collègue blanc ait fini de parler à un autre client, au lieu d’aller au bureau libre où je travaillais. En tant que bénévole dans un hôpital communautaire, on m’a demandé une fois si « j’étais une de ces réfugiés ». Comme si je n’avais pas clairement ma place dans un lieu ou un pays qui devrait se montrer accueillant pour tout le monde. Mais une fois de plus, je suis passée à la suite. 

Pendant ma dernière année, j’ai suivi plusieurs cours de sciences et j’ai été acceptée pour une entrevue en vue d’un programme professionnel compétitif d’études supérieures en santé. Les personnes chargées de l’entrevue étaient de milieux différents, mais les questions principales qu’elles m’ont posées étaient de savoir si mes parents approuvaient mon choix de carrière et les responsabilités professionnelles, d’un point de vue religieux. J’ai été mise sur une liste d’attente cette année-là. J’ai étudié, acquis beaucoup d’expérience dans mon domaine, et j’ai refait une demande et heureusement j’ai été acceptée l’année suivante. Après avoir parlé à des camarades de classe, j’ai découvert que l’approbation religieuse et parentale ne faisait pas partie des questions posées aux autres. Apparemment mon expérience supplémentaire n’avait pas été un facteur décisif, car beaucoup de mes collègues avaient menti à propos de leur expérience dans leurs demandes. J’ai été tout simplement reconnaissante de suivre le programme de mes rêves, mais ce n’était pas juste. 

Durant mon stage principal, je suis restée optimiste et j’ai accepté les commentaires de manière constructive. On m’a dit que j’étais hésitante, pas assez confiante. J’ai étudié la matière, mais ma concentration intense et mon comportement calme pendant les réunions ont été interprétés comme un manque d’intérêt et d’initiative. Mes évaluations et mon rendement d’études en ont souffert. Pendant le déjeuner à notre hôpital principal, certains superviseurs faisaient des commentaires désobligeants à propos d’autres femmes qui portaient le hijab. C’était exaspérant, mais étant la seule personne musulmane et visiblement religieuse dans la salle, j’ai le regret de dire que je suis restée silencieuse. 

Et puis la pandémie de COVID a frappé, et tous les étudiants en stage clinique ont été renvoyés à domicile. Nous avons eu le choix de passer nos examens oraux finaux virtuellement, et à notre retour en stage, j’ai choisi de passer mon examen virtuellement. Mes superviseurs ont décidé que je devrais attendre la fin du trimestre, dont la date était inconnue à ce moment-là, pour passer mon examen. La raison invoquée était que, à cause du calendrier de stage, ma partenaire et moi devions acquérir plus de connaissances pratiques au cours d’un stage pour être évaluées équitablement sur le contenu verbal. Mes superviseurs ont refusé de programmer mon examen oral au calendrier, mais ont autorisé ma partenaire à programmer le sien, sans poser de questions. Cette fois… je ne suis PAS passé à la suite. 

J’ai voulu savoir pourquoi on m’avait refusé la possibilité d’être évaluée dans les mêmes délais que les autres étudiants et ma partenaire, et j’ai demandé un traitement juste et équitable. Mon examen oral virtuel a été programmé immédiatement après. Même sans expérience pratique, et après avoir étudié intensément, j’ai passé mon meilleur examen oral à ce jour. J’ai toujours accordé le bénéfice du doute aux personnes qui m’entouraient, et malheureusement je les ai laissées continuer d’agir trop longtemps sans conséquence. Jusqu’au jour je me suis défendue contre le traitement injuste de la part de mon département, je n’avais pas compris le pouvoir de faire entendre ma voix. Ma confiance et mon travail n’ont plus été remis en question, et après avoir repris mes stages, j’ai achevé la partie pratique des compétences, au mieux de mes capacités. J’ai obtenu mon diplôme et de multiples offres d’emploi, incluant dans l’hôpital principal où j’avais été formée.

En tant que femmes, et surtout en tant que musulmanes, il est admirable que nous montrions la patience d’être gentilles, de pardonner et de passer à la suite. Je me suis souvent tue en pensant que ça ne valait pas la peine de se battre et qu’il valait mieux faire profil bas, et persister. Mais il y a des moments où on comprend que c’est se rendre un mauvais service que de rester silencieuse. Quelqu’un lit peut-être cette histoire, une personne confrontée à l’intimidation, à la discrimination, à un traitement injuste, tout simplement parce qu’elle est ce qu’elle est. J’espère que le fait de partager mon histoire l’encouragera à être fière de ce qu’elle est, à croire en la force de sa voix pour défendre ce qu’elle deviendra.

D.A.R.E. 2jj